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cancer du col de l'utérus: pourquoi la majorité des femmes ne font pas de frottis?

Examens imposés, discours culpabilisants voire humiliants, manque d'informations... Pour Martin Winckler, médecin et écrivain, les raisons ne manquent pas pour expliquer qu'une partie des Françaises délaissent cet examen gynécologique de dépistage du cancer du col de l'utérus: Interview. 
Gynéco: pourquoi 40% des femmes ne font pas de frottis?

Le frottis, meilleur moyen de dépistage du cancer du col de l'utérus, est pourtant délaissé par une partie des Françaises.

(AFP PHOTO DIDIER PALLAGES)

"Contre le cancer du col de l'utérus, tous les trois ans, un frottis, vous avez tout compris." Le slogan de la dernière campagne de sensibilisation de l'Institut national du cancer (Inca)* est clair. Un dépistage régulier permettrait d'éviter 90% de ces cancers en détectant des lésions avant qu'elles ne se transforment en cancer. Car la plupart du temps, elles se manifestent sans aucun symptôme. Et quand des signes apparaissent, la maladie est déjà à un stade avancé. Et elle tue chaque année 1000 femmes. Pourtant, parmi les femmes concernées (celles âgées de 25 à 65 ans), quatre sur dix ne font pas de frottis cervico-utérin, ou pas assez. Cet examen intime peut être mal vécu. Pourtant, d'autres façons d'examiner et de soigner les femmes existent. Interview de Martin Winckler (nom de plume du Dr Marc Zaffran), médecin engagé et écrivain (auteur notamment du Choeur des femmes), qui, sur son blog, répond aux nombreuses questions que se posent les femmes. 

40% des femmes ne font pas de frottis régulièrement. Comment expliquer ce chiffre inquiétant?

Cela tient d'abord au corps médical français lui-même. Les gynécologues prétendent qu'ils sont les seuls à pouvoir soigner les femmes. C'est faux. Les médecins généralistes peuvent faire des frottis, il n'y a rien de plus de facile. Les sages-femmes aussi. Dans de nombreux pays du monde développé, ce sont les médecins de famille qui font des frottis. Pourquoi pas en France? Cette vision fausse est entretenue par le corps médical. Il y a également une mésinformation de ce qu'est un frottis. Il n'y a pas besoin de courir en faire un dès son premier rapport sexuel. A 25 ans ou huit ans après le premier rapport, cela suffit, car les anomalies que l'on trouve avant sont transitoires. 

Qui sont ces femmes qui ne se font pas dépister?

Ce sont celles qui n'ont pas de médecin ou de gynécologue. Elles viennent pour la plupart des zones rurales et des quartiers défavorisés. Ce sont aussi celles qui ne sont pas informées. A contrario, les femmes des classes moyennes et des milieux aisés sont informées et se font dépister. Le problème, si on laisse entendre qu'il faut qu'elles courent dès leur plus jeune âge chez leurs gynécologues, est qu'elles vont encombrer les cabinets pour rien. Le frottis est recommandé tous les trois ans. Enfin, il y a les femmes qui se font maltraiter par leurs médecins et qui par conséquent les fuient. 

Qu'entendez-vous par "maltraitées par leurs médecins"?

Cette maltraitance commence verbalement, par des phrases humiliantes, désagréables, jugeantes, culpabilisantes. Comme demander à peine entré dans le cabinet: "Combien avez-vous eu de partenaires sexuels?", "On discutera tout à l'heure, déshabillez-vous et allongez-vous", "Quoi, vous avez 35 ans et pas encore d'enfants? Il faudrait s'y mettre", "Mais mademoiselle, vous avez 20 kilos de trop"... Des exemples comme ça, j'en reçois tous les jours, et ça fait quinze ans que ça dure. Cette "maltraitance" peut aussi être physique en imposant un examen gynécologique sans que la patiente en ait besoin. Si elle va bien, il n'y a aucune raison de ne pas la croire. On n'apprend pas aux médecins français qu'ils ne doivent pas juger les gens qui sont en face d'eux. Le contexte de rencontre entre une femme et un médecin est très variable, d'une région, d'une pratique à une autre. La profession médicale n'est pas homogène. 

Comment y remédier?

Les changements les plus importants doivent venir de la population elle-même. Comme pour le stérilet par exemple que l'on ne posait pas en France à celles qui n'avaient pas eu d'enfant. Grâce à Internet, les femmes ont fini par savoir que c'était un dogme absurde et les choses changent. Il suffit de dire à son médecin: "Vous n'avez aucune raison médicale de me le refuser". On peut également demander "est-ce que vous avez vraiment besoin de m'examiner?" Une liste de soignants féministes a été créée, les patients doivent faire circuler ce genre d'informations. 

Et pour ce qui est de l'examen gynécologique en lui-même qui cristallise une partie des appréhensions des femmes?

Il faut laisser le choix. Il y a beaucoup de femmes que ça ne gêne pas outre mesure d'être examinée dans la position gynécologique classique, si elles sont d'accord, si elles comprennent l'intérêt de le faire et si c'est fait avec délicatesse. Pour d'autres, la nudité et le contact visuel direct avec le médecin alors qu'elles ont les jambes écartées est difficile. On peut examiner autrement, comme ce qui se fait en Angleterre, c'est-à-dire en allongeant la femme sur le côté. Et les patientes ne sont pas obligées de se déshabiller entièrement! 

 



23/01/2015
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