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Personne intersexuée: «Je suis la preuve indubitable que l’on peut vivre avec deux sexes»

ENTRETIEN                 Née avec des organes génitaux masculins et féminins, cette personne vient d’obtenir, de la justice, le droit de faire apposer la mention « sexe neutre » sur son état civil…

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Dans sa requête, il a expliqué que « ses organes génitaux ne correspondent pas à la norme habituelle de l’anatomie masculine ou féminine » et qu’il ne se sent « ni homme ni femme ». A 64 ans, une personne intersexuée, née avec un « vagin rudimentaire » et un « micropénis », vient d’obtenir du tribunal de grande instance de Tours (Indre-et-Loire) le droit de faire apposer la mention « sexe : neutre » sur son état civil. Si le parquet a immédiatement fait appel de cette décision, elle ne cache pas qu’elle a enfin le sentiment d’être reconnue pour ce qu’elle est.

 

A quel âge avez-vous pris conscience que vous étiez intersexué ?

A l’âge de 12 ans. Mon père m’a expliqué que je n’étais pas « normal », pas comme les autres. Il m’a dit : « Tu n’as pas de sexe ». A l’époque, cela impliquait que je ne pouvais plus prendre modèle sur lui et ne plus espérer devenir, un jour, comme lui. Je n’ai pas eu d’adolescence. Je n’ai pas de testicule, pas d’hormone masculine qui circule dans mon corps. Ni féminine d’ailleurs. Donc, je suis resté sans changement. Je suis un enfant qui a grandi sans les transformations de la puberté.

Vous en avez beaucoup souffert durant votre adolescence ?

J’ai d’abord compris que je n’étais pas un garçon. Je n’étais pas comme mes frères. Je n’avais pas de barbe qui me poussait. Mes muscles ne se renforçaient pas. Je voyais tous mes copains se transformer alors que moi, pas du tout. Donc je voyais bien que je n’étais pas un homme. Et en même temps, il m’était impossible de croire que j’allais devenir une femme. Je n’avais pas de seins, non plus.

Donc pendant tout ce temps, j’ai été élevé comme un garçon. Mais je me suis aperçu, en grandissant, que les gens me prenaient de plus en plus souvent pour une fille. Ça me déstabilisait complètement et je n’osais plus sortir dans la rue. C’était terrible parce que je ne comprenais pas, à ce moment là, que j’étais une personne intersexuée. Quand je l’ai compris, ça a été une révolution !

Avez-vous subi un traitement hormonal ?

Oui. A l’âge de 35 ans, les médecins ont pointé du doigt le risque d’ostéoporose fréquent chez les personnes intersexuées. Ils ont fait pression pour que je prenne de la testostérone. Probablement parce que j'étais inscrit comme étant de sexe masculin sur mes papiers. Ça a été un choc. Mon apparence s’est masculinisée. Mais ça a produit des changements que je n’ai pas reconnus comme étant mes changements. C’était comme un viol constant. Ça m’a permis de me rendre compte que je n’étais ni homme, ni femme.

Quels problèmes avez-vous rencontré dans la vie quotidienne ?

Je n’ai jamais été tabassé parce que j’ai toujours adopté un profil bas. Mon but était de ne pas me faire remarquer. Mon problème, c’est que je me faisais quand même remarquer car j’avais un air bizarre. Alors que pour moi, j’avais l’air tout à fait normal ! Mon plus gros problème, c’est que je n’ai pas pu démarrer de sexualité. Je n’ai jamais pu entrer dans ce jeu universel de séduction.

Vous vous êtes tout de même marié et vous avez adopté un enfant…

Oui, j’ai pu avoir une vie de couple. Mais j’ai toujours conscience du caractère artificiel de ma posture d'homme. Il suffit que je regarde mon corps dans le miroir et je le vois bien : je ne suis pas un homme ! Le pénis n’est pas celui d’un homme. Je n’ai pas de testicule.

C’est pour cela que vous avez saisi la justice?

J’ai 64 ans. Ma vie s’est déjà construite mais je sens que je ne serai jamais en paix sans la reconnaissance de ce que je suis réellement. Je ne suis pas de sexe masculin ni de sexe féminin, je suis une personne intersexuée, comme beaucoup d'autres d'ailleurs.

Aujourd’hui, les bébés qui naissent avec les deux sexes sont opérés. Ce sont des opérations chirurgicales mutilantes associées à des traitements hormonaux, par lesquels, on tente, arbitrairement, de choisir un sexe masculin ou féminin à des nouveaux-nés. J’ai, moi, la chance de ne pas avoir été opéré. Je suis pour ainsi dire la preuve indubitable que l’on peut vivre avec deux sexes.

Que représente cette décision de justice pour vous?

Je veux rester anonyme. Je vais donc continuer la même vie avec les mêmes activités. Ça change au niveau de mon ressenti intérieur. Pour la première fois, j’ai l’impression d’être reconnu par la société tel que je suis, sans être obligé de jouer le rôle de… ou de… Cela n’a jamais été le cas.

Vous tenez à rester anonyme. Mais envisagez-vous de changer de prénom pour faire valoir votre état civil « neutre » ?

C’est drôle car dans ma famille, de nombreuses personnes portent un prénom mixte. Mais pas moi. J’ai un prénom masculin. Et cela fait partie de mon identité aujourd’hui. Ce serait beaucoup de travail d’en changer. Donc, non, je ne désire pas changer de prénom

(source: 20minutes)



14/10/2015
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